Une soirée chez un représentant en radio-télévision Pathé Marconi
C’est une belle soirée, vers la fin des années 50. Je me prépare à accueillir du monde chez nous pour regarder la télévision. Nous avons souvent du monde chez nous à regarder la télévision, et pour cause : mon mari est représentant en postes de radio-télévision de la marque Pathé-Marconi ! Cela fait partie de son métier de faire découvrir la télévision au plus grand nombre de personnes, pour leur donner envie d’en avoir une chez eux. Du coup, nous avons eu un poste de télévision chez nous dès le début de la télévision, en ne payant pas grand-chose. Quand mon mari a commencé ce métier, j’aimais bien la télévision. Il y avait des émissions culturelles et du divertissement, sur une seule chaîne en noir et blanc. Le soir, en rentrant du travail, on regardait les informations. Les speaker et les spaekerines étaient très distingués : Catherine Langeais, Jacqueline Noette, Léon Zitrone… Mais à ce moment, la télévision ne fonctionnait pas toute la journée ! Il y avait un programme et des horaires de diffusion, et si on allumait la télévision en dehors de ces horaires, on ne pouvait rien voir. Pour tous les postes de télévision situés à Paris et alentours, la diffusion se faisait depuis le sommet de la Tour Eiffel. Il y avait une grosse antenne posée sur le poste de télé. Pour capter la télévision, il fallait chercher la bonne station avec un bouton tournant, comme on le fait toujours pour la radio. Le son grésillait, l’image n’était pas nette (on disait qu’il y avait de la neige sur l’écran), et puis tout d’un coup l’image était nette et le son était bon ! Alors il ne fallait plus toucher au bouton.
Petit à petit, la diffusion s’est élargie avec d’autres émetteurs, le nombre d’émissions a augmenté, il y a eu une chaîne en plus… Et puis, pour mon plus grand malheur, la télévision s’est mis à diffuser du football.
Ce soir là, comme beaucoup d’autres, nous accueillons donc à la maison des copains de mon mari qui viennent regarder un match de foot sur notre poste de télévision. Moi, ce n’est pas ma passion. Mais mon mari est amateur passionné de football, depuis sa jeunesse. Avant, il jouait à Lorient, et quand on s’est installés en région parisienne, il a rejoint les Bretons de Paris. C’est une équipe composée uniquement de bretons vivant à Paris ! C’est d’ailleurs grâce au foot qu’on a pu s’installer au 6, avenue du Président Wilson à Malakoff : notre appartement appartenait à un des dirigeants du club des Bretons de Paris. Il a entendu dire qu’on était mal logés et il nous a proposé ce logement, qui est parfait pour nous, avec la crèche et l’école à deux pas, et le bus qui me permet d’aller travailler dans Paris.
Les Bretons de Paris s’entraînent généralement au stade situé vers la porte d’Orléans. Ils jouent contre les équipes du coin, et parfois ils vont même en Bretagne participer à des tournois régionaux. Cela arrive que j’accompagne mon mari pour voir des matchs, et alors on se retrouve dans le public entre femmes de footballeurs bretons ! C’est plutôt sympa, j’y ai de bonnes copines, on a le même âge, on a été enceintes au même moment, et nos enfants jouent ensemble.
Seulement, les soirs de matches diffusés à la télévision, ce ne sont pas mes copines qui viennent, ce sont plutôt les amis de mon mari… Moi, j’aime bien accueillir des copains à la maison. Si c’était pour regarder des chansons ou du divertissement, passe encore ! Mais du foot, toujours du foot... à force, j’avoue que ça m’embête vraiment. Enfin ! Je prends mon mal en patience : en attendant la fin du match, je m’assieds dans un coin du salon et je fais de la couture, des mots croisés, ou je lis. Le pire, c’est que notre fils, lui aussi, commence à se passionner pour un sport de ballon, le handball. J’espère que les matchs de handball ne seront jamais diffusés à la télévision !
Micheline D.