Disponible prochainement

Vous êtes ici !

Mala­koff scène natio­nale a convié l’au­teur Mathieu Simo­net à mener un grand projet parti­ci­pa­tif : Vous êtes ici.

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Après plusieurs mois passés à arpen­ter la ville et récol­ter des centaines de récits, le projet Vous êtes ici est désor­mais entre vos mains : redé­cou­vrez Mala­koff à travers les yeux et les mots de ses habi­tant·es.

Cette carte a été réali­sée par les étudiant·es du DN MADE Graphisme augmenté – J. Prevert, et les enre­gis­tre­ments sonores par le studio Wave.audio, que nous remer­cions toutes et tous chaleu­reu­se­ment pour leur parti­ci­pa­tion au projet !

Consul­ter ici le recueil.

en parte­na­riat avec la ville de Mala­koff dans le cadre de Mala­koff en fête et avec Paris Habi­tat
— la carte inter­ac­tive et les affiches ont été réali­sées par les étudiant·e·s du
DN MADE de graphisme augmenté du lycée Jacques Prévert de Boulogne-Billan­court
avec le soutien de l’Onda – Office natio­nal de diffu­sion artis­tique

Liste des récits Récits de la zone
Récit
Sentier du Tir

Le nettoyage de Léon

C’est un jour où Jean et moi, nous nous occupons de Léon. Léon, c’est le bec de gaz situé dans l’impasse au pied de chez nous. S’il est encore là, c’est grâce à Jean, mon mari. Il n’y en a plus beaucoup, des becs de gaz, et surtout il n’y en a plus beaucoup qui fonctionnent encore ! Avant, il y en avait dans toutes les rues : ce sont les ancêtres des lampadaires. Les becs de gaz ne fonctionnent pas à l’électricité mais au gaz. A l’intérieur du poteau, un manchon amène le gaz, qui brûle en permanence. Jean est très bricoleur et un peu inventeur : il a optimisé le système, il a même déposé deux brevets, avec l’accord de la mairie, pour que le manchon ne soit pas mobile dans le porte-manchon, et que la flamme soit plus stable. Sauf quand un gros coup de vent l’éteint, alors Jean prend l’échelle et il monte pour le rallumer !

Ce jour là, Jean a pris son échelle, mais ce n’est pas pour le rallumer. C’est parce que c’est un jour de grand nettoyage, de grand entretien. Délicatement, Jean démonte les vitres et mes les donne, une par une. Je les récupère dans mes bras avec précaution et je les emmène à la maison. Je vais les nettoyer avec du vinaigre chaud. Jean en profite pour vérifier que tout fonctionne bien. Si une pièce est abîmée, ou si une vitre est cassée, il en fera usiner une autre à l’identique.

Jean s’est engagé personnellement à prendre en charge l’entretien du bec de gaz. Nous sommes arrivés à Malakoff en 1970, et nous avons adopté Léon en 1974. A l’époque, notre bec de gaz était déjà un survivant, et il était question de le supprimer. Jean l’a vraiment sauvé. Mon mari avait l’amour des objets anciens. Il est allé rencontrer Léo Figuères, qui était le maire de la ville dans les années 70, et il lui a dit que c’était triste de supprimer le dernier bec de gaz de Malakoff, alors qu’il était encore en état de marche. Léo Figuères a répondu : « D’accord, mais il faudra vous en occuper ! ». Jean a été ravi de se voir confier cette mission. Il a baptisé le bec de gaz Léon, en hommage à Léo Figuères !

Voilà pourquoi je me retrouve, quatre fois par ans, à frotter ses vitres pour qu’il brille mieux. Quand je repense à ces heures passées, chaque année, à prendre soin de lui, cela me ramène d’autres souvenirs joyeux que j’ai vécus là. Dans les années 80, notre petit bout de rue est devenu un repaire de célébrités, car Jean-Michel Jarre a occupé une maison pas loin (nous lui prêtions notre jardin pour ses barbecues!) et nous avons eu pour locataire Christina, une  professeure de capoeira qui dansait dans Starmania ! Notre bon vieux Léon continuait à brûler été comme hiver, de sa lumière douce. Une fois, nous avons fait un grand repas des voisins à son pied. Pour les fêtes, nous le décorions avec des guirlandes ! Oui, nous avons vécu bien des moments heureux dans cette impasse...

Aujourd’hui, Jean n’est plus là, je n’habite plus la maison dans l’impasse, et ce n’est plus moi qui nettoie les vitres de Léon. Mais le bec de gaz est encore là, il fonctionne toujours, avec sa petite flamme. C’est grâce à Jean, et un peu grâce à moi.

 Claudine R.

Vous êtes ici – Image de fond